Des gouvernements et des experts se retrouvent lors d’un Forum à Genève pour "franchir la porte" d’un monde exempt d’armes nucléaires

Samedi 24 Août 2013, des représentants des Nations Unies et des parlementaires de plus de 17 pays* ont rencontré des experts du désarmement nucléaire lors d’une table ronde pour discuter de la nouvelle stratégie onusienne en matière de désarmement multilatéral. Il s’agit du Groupe de travail à composition non-limitée visant à faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire (OEWG). Ce dernier s’est réuni au Palais des Nations en mai, juin et août avant de rendre son rapport à l’Assemblée des Nations Unies en octobre de la même année.

Ce Forum a été co-organisé par les Parlementaires pour la Non-prolifération et le Désarmement Nucléaire (PNND), Middle Powers Initiative (MPI) et la Friederich-Elbert-Stiftung (FES). Les participants se sont interrogés sur la façon d’assurer la continuité de l’OEWG puisqu’il a permis de surmonter les 17 ans de paralysie dans les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire et sur la façon d’élever la question du désarmement nucléaires à l’échelle politique.

Les participants ont été reçus par un message vidéo de Tadatoshi Akiba, Président des Middle Powers Initiative et ancien Président des Maires pour la paix.

C’est depuis le Dôme de la bombe atomique à Hiroshima qu’il a prononcé son discours. Monsieur Akiba a fait remarquer que l’utilisation d’une arme nucléaire sur Hiroshima est « un rappel de l’impact humanitaire d’une bombe atomique et ne laisse aucun doute à l’impératif de parvenir à l’abolition des armes nucléaires. »

Il a également rappelé l’objectif premier de ce Forum : «  aider les gouvernements à mettre en place un cadre permettant d’aboutir et de maintenir un monde exempt d’armes nucléaires » comme décidé par tous les Etats parties au Traité de non-prolifération (TNP) lors de la Conférence d’examen du TNP en 2010.

Monsieur Akiba a par la même occasion « appelé les gouvernements issus d’Etats dotés et non dotés de l’arme nucléaire à augmenter leurs actions » en ce sens, qui inclurait notamment un « travail préparatoire sur plusieurs éléments ou la mise en place d’ensemble pour un monde sans armes nucléaires ainsi que commencement des négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire qui pourrait aboutir à une convention ou une série d’accords sur les armes nucléaires ».

« L’OEWG a permis d’ouvrir la porte à des délibérations, des actions coopératives, des travaux préparatoires et des négociations. Les acteurs de la société civile, tels que les parlementaires, les maires, les analystes politiques et les militants - s’ils sont bien informés – sont capables de vous aider [gouvernements] à franchir cette porte et d’entrainer d’autres Etats, y compris les Etats dotés de l’arme nucléaire, avec vous ».

Le discours de Monsieur Akiba a été suivi par des présentations, telles que celle de Manuel Dengo (Président de l’OEWG - diplomate du Costa Rica), Xanthe Hall (IPPNW/PNND/MPI), Ronald Sturm (Chef de la section sécurité nucléaire, désarmement et non-prolifération au sein du ministère autrichien des Affaires internationales et européennes), Jarmo Sareva (Vice-Secrétaire général de la Conférence du désarmement), Jonathan Granoff (Président du Global Security Institute), Marc Finaud (Geneva Centre for Security Policy et UNIDIR), Tarja Cronberg (Députée européenne, Présidente de la Section Parlement européen du PNND) et Uta Zapf (Co-présidente du PNND).

L’Ambassadeur Dengo, qui figure également dans la vidéo « Open the door » projetée lors de la deuxième session (voir ci-dessous), s’est intéressé au climat positif présent lors des réunions de l’OEWG et dans lesquelles différents points de vue et propositions ont pu être discutés de bonne foi, permettant un terrain d’entente.

Ronald Sturm a, quant à lui, fait part de son point de vue sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, précisant que tout le monde peut être touché. En tant que volontaire pour la Croix Rouge autrichienne dans les années 1980, il a rencontré les victimes de la guerre entre l’Iran et l’Irak durant laquelle des armes chimiques avaient été utilisées. Il a noté que les personnes d’aujourd’hui font preuve de complaisance vis-à-vis de l’utilisation des armes nucléaires et leurs conséquences sur le plan humanitaire, y compris les effets à long terme telle qu’une  famine nucléaire, estimant que cela ne pourrait pas arriver dans leur propre pays.

Xanthe Hall a introduit le concept de gestion du changement comme une approche qui pourrait faire avancer le processus multilatéral bloqué à l’heure d’aujourd’hui. Cette approche permettrait de traiter des différentes questions de nature institutionnelle et politique pour faire progresser l’environnement politique – l’environnement du 21ème siècle est différent de celui du 20ème lequel est à l’origine des politiques de dissuasion nucléaire. De plus, l’approche de gestion du changement permettrait d’identifier les moyens de surmonter « les peurs liées au changement », telles que la peur psychologique de certains pays de passer de la dépendance vis-à-vis de la dissuasion nucléaire à la sécurité coopérative.

Elle a aussi cité l’analyse présentée par Nancy Gallagher dans le cadre du Forum de Berlin sur le concept de la stabilité stratégique en 2013. « La doctrine de stabilité stratégique est née dans un monde bipolaire où un certain équilibre de pouvoir entre les deux côtés pouvait être théoriquement possible. Un tel concept est absurde dans un monde multipolaire. Pourtant cette stratégie continue de prévaloir dans les négociations sur le désarmement au sein des Etats dotés de l’arme nucléaire. En partant d'un cadre de stabilité stratégique, l'insécurité se pose sur le nombre d'armes nucléaires et l'équilibre des pouvoirs est moins réalisable. Ainsi, l'obtention du zéro arme est tout sauf irréalisable ».

Uta Zapf

Uta Zapf est revenue sur ce thème et a demandé à ce que les Etats passent d’une sécurité militaire et à une sécurité commune et coopérative, qui s’appuierait davantage sur les mécanismes juridiques et politiques communs pour résoudre les conflits et les questions de sécurité. Elle a noté que cette approche était soutenue par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, laquelle avait joué un rôle primordial dans l’adoption du Traité sur les forces conventionnelles en Europe.

Marc Finaud a également  abordé le cadre de la sécurité coopérative, notant qu’arriver a supprimer la dépendance des Etats dotés de l’arme nucléaire et de leurs alliés vis-à-vis de la dissuasion nucléaire nécessiteraient autant d’approches qu’il existe de justification pour se fier de la dissuasion nucléaire. Dans certains cas, la dissuasion nucléaire est liée à des conflits régionaux non résolus et dans d’autres cas à des questions plus globales. Il a aussi indiqué que l’engagement de l’OEWG avec les gouvernements et les principaux acteurs de la société civile des pays qui s’appuient sur la dissuasion nucléaire sera important pour adresser leurs préoccupations en matière de sécurité dans le but de leur permettre d’abandonner la dissuasion nucléaire et de rejoindre un régime sans armes nucléaires.

Jarmo Sareva a surnommé l’OEWG comme un groupe de « diplomates pour le désarmement » qui met en avant à la fois les possibilités et les responsabilités des pays y participants pour s’assurer que le Groupe de travail est utilisé de manière optimale. Il a souligné l’importance de renforcer la volonté politique sans quoi aucun forum ne peut réussir. Il a cependant fait remarqué qu’une volonté politique insuffisante ne pouvait justifier l’inaction – les blocs actuels sur le désarmement nucléaire multilatéral n’ont pas été créé par Dieu mais par des choix humains. Il a suggéré aux gouvernements de participer à la Réunion de Haut niveau des Nations Unies en date du 26 septembre pour se concentrer sur l’aspiration commune pour un monde sans armes nucléaires et de soutenir les propositions issues de l’OEWG  pour faire avancer la feuille de route visant un monde sans armes nucléaires.

Tarja Cronberg, députée européenne et Présidente du Groupe de contact avec l’Iran pour le Parlement européen, a noté qu’il existe diverses raisons pour lesquelles les Etats cherchent à acquérir ou détenir des armes nucléaires. Il peut s’agir du prestige, du statut ou du pouvoir

Tarja Cronberg

politique qu’elles peuvent conférer. Ces raisons doit être garder en tête lors de l’élaboration des approches pour prévenir la prolifération ou pour pousser les Etats vers le désarmement nucléaire. Dans le cas de l’Iran par exemple, l’approche actuelle des P5 + l’Allemagne (5 Etats dotés de l’arme nucléaire et un Etat hébergeant des armes nucléaires), groupe qui mène actuellement les négociations avec cet Etat aurait plutôt tendance à renforcer le statut et le pouvoir politique des armes nucléaires plutôt qu’à le réduire. Une meilleure approche pourrait être celle d’élever le statut d’Etat non-nucléaire en donnant pour cela un rôle plus important aux Etats non doté de l’arme nucléaire dans les négociations. Les négociations fructueuses menaient par le Brésil et la Turquie avec l’Iran en 2010 (malheureusement sabordé par le P5) le rôle de médiateur du Kazakhstan dans la dernière série de pourparlers est la preuve que cette approche est bénéfique.

Jonathan Granoff, intervenant par vidéo depuis les Etats Unis, a demandé aux gouvernements a appelé les Etats à élever cette question à l'échelle politique - en particulier lors de la Réunion de haut niveau des Nations Unies en Septembre prochain - peut-être en affirmant  «qu’il n'y a aucune frontière nationale face aux retombées nucléaires après l’explosion d’une bombe atomique. Les citoyens du monde entier ont droit à un monde exempt d'armes nucléaires ».

Il a fait également appel aux gouvernements, universitaires et à la société civile pour faire avancer le «réalisme» du 21ème siècle. « Ce réalisme exige de traiter l'ensemble des menaces existentielles pour la survie de la civilisation tels que la protection du climat, la santé des océans et des forêts tropicales. Un tel réalisme exige de mettre en place une coopération afin d’obtenir la préservation des biens collectifs, difficile à obtenir dans un monde d'apartheid nucléaire ».

Alyn Ware

Alyn Ware, coordinateur international du PNND, a présenté une déclaration de Jaroslaw Walesa (vice-président de la section dédiée au Parlement européen du PNND) qui  n’a pas pu assister au forum. Monsieur Walesa a récemment travaillé avec Tarja Cronberg, Global Zero et le PNND pour l’obtention de plus 380 signatures par les membres du Parlement européen à la Déclaration écrite sur un soutien au plan de Global Zero pour une élimination progressive et contrôlée des armes nucléaires dans le monde. Il a noté que c’était pour les parlementaires une occasion unique de s’engager avec des collègues issues à la fois d’Etats non dotés de l’arme nucléaire et d’Etats dotés de celle-ci.

 

Les discussions ont été animées et productives. Elles se sont concentrées sur une série de processus et sur des questions de fond. Voici quelques commentaires clés :

  • Le rapport final de l’OEWG devrait comporter des recommandations spécifiques, ou fournir des indications pour la mise en place concrète de certaines propositions. Si le aucun consensus n’est possible,  le Président du groupe le présentera sans qu’il ait été adopté par le Groupe de travail ;
  • La plupart des pays ont déjà rejeté la dissuasion nucléaire pour leur sécurité. Ces Etats peuvent donc encourager les Etats dotés de l’arme nucléaire (et leurs alliés) à prendre les décisions nécessaires pour éliminer ou abandonner le recours à des armes nucléaires ;
  • L’OEWG a permis d’ouvrir la porte aux délibérations conduisant à des négociations pour un monde exempt d'armes nucléaires. Avant la mise en place de celui-ci, seuls les acteurs de la société civile ont discuté de la façon dont il serait possible de parvenir à un monde sans armes nucléaires. Aujourd'hui, les gouvernements discutent de cela au sein de l’OEWG ce qui est ni plus ni moins qu’un énorme pas en avant ;
  • L’OEWG reçoit un appui de la société civile - et en particulier des parlementaires à travers l'Union interparlementaire (qui a choisi de se concentrer sur la question de la réalisation d'un monde exempt d'armes nucléaires), du PNND et des instances parlementaires régionales telles que l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (qui a adopté une résolution soutenant l’OEWG).

 

Les participants ont pu visionner la vidéo « Open the door » produite par le Basel Peace Office. Il s’agit d’une compilation de 40 clips vidéo réalisés par des décideurs politiques, des parlementaires, des maires, des experts du désarmement, des enfants et des jeunes du monde entier. Ils ouvrent la porte à un monde sans armes nucléaires et la franchissent. Pour visionner les clips vidéo reporter vous à l’adresse suivante www.openthedoor2013.org.

 

Nous remercions la branche suisse de la Friederich-Ebert-Stiftung pour son soutien logistique et financier sans lequel l’organisation  de ce Forum n’aurait pu se faire.

 

*Les représentants des pays suivant ont participé à la table ronde : Algérie, Autriche, Belgique, Costa Rica, République Tchèque, Egypte, Allemagne, Inde, Irlande, Japon, Slovaquie, Suisse, Suisse et Turquie ainsi que les parlementaires des pays suivants : Finlande, Allemagne et Ecosse en plus de plusieurs experts du désarmement et des représentants d’ONG.

 

Présentations écrites de certains orateurs :

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